DEUIL PÉRINATAL | COMMENT SURMONTER LA PERTE
DE SON BÉBÉ ?

Faire face au décès de son bébé et effectuer son deuil périnatal

En 2021, le taux de mortinatalité en France était de 8,9 pour 1000 nouveau-nés[1]. Chaque année, de nombreux couples et familles voient leur rêve d’accueillir leur bébé, de le regarder grandir, s’envoler subitement. Entre larmes et tristesse, abattement et désespoir, le traumatisme de la perte du bébé tant attendu empêche le parent de faire son deuil périnatal convenablement. Pour l’écriture de mon roman Au creux de nos bras, qui traite de différentes situations face à la maternité, j’ai recueilli plusieurs témoignages de mamanges. Elles m’ont rapporté cette souffrance qui les habite pour la vie. Elles m’ont fait part de leur combat pour surmonter le traumatisme, affronter le regard de l’entourage. Leurs expériences sont riches en enseignements. Peut-être es-tu, toi aussi, aujourd’hui confrontée à ce drame ? Malgré ta peine et tes souffrances après la perte de ton bébé, tu souhaites avancer dans ton travail de deuil périnatal, mais tu ne sais pas comment t’y prendre ? Tu souhaites aider l’un de tes proches à survivre au décès de son enfant, mais tu ignores comment procéder ? Voici l’essentiel à savoir sur le deuil périnatal et des conseils pour se remettre progressivement de la perte de son enfant.

 

[1] Selon une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)

1/ DEUIL PÉRINATAL : DE QUOI S'AGIT-IL ?

Perdre son petit bébé, cet être cher que chaque parent aimerait voir grandir, s’émanciper et auquel il aurait donné tout son amour, est affreusement douloureux. Le deuil périnatal est très difficile à accepter et à supporter, car, comme me l’a dit une mère endeuillée : « il s’agit d’un deuil sans souvenir ». Il fait suite à une mort périnatale qui est le décès d’un enfant pendant la grossesse, ou à la naissance du nouveau-né, ou dans les heures ou les jours qui suivent l’accouchement.

L’Organisation Mondiale de la Santé définit plus clairement le phénomène. Selon la définition de l’OMS, peut être considéré comme mort périnatale, le décès d’un bébé entre la 22ième semaine d’aménorrhée et le septième jour après la naissance.

Le terme est aussi utilisé pour désigner la mort d’un enfant dans chacun des cas suivants :

  • interruption médicale de grossesse (IMG),
  • fausse-couche,
  • réduction embryonnaire,
  • grossesse extra-utérine,
  • mort fœtale in utero.

Le deuil périnatal correspond donc au deuil d’un enfant survenant dans la période de la périnatalité. Accoucher d’un enfant sans vie, perdre son nouveau-né ou son nourrisson sont des situations extrêmement douloureuses dont la société parle peu.

2/ LE DEUIL PÉRINATAL : UN SUJET TABOU

Une mort périnatale crée un grand vide. Un vide si immense que rien n’arrive à le combler, et ne pas pouvoir en parler avec son entourage est tout aussi douloureux. D’après les témoignages que j’ai pu recueillir, il existe une langue de bois, un silence pesant qui entoure le deuil périnatal.

Très peu de personnes osent en parler. Par peur de blesser les parents endeuillés, la plupart des gens, qu’il s’agisse de l’entourage proche, des amis ou collègues, gardent le silence. Chaque fois que les parents endeuillés évoquent la perte de leurs enfants, leurs interlocuteurs tentent d’éviter le sujet, pour diverses raisons :

  • par peur : la perte d’un enfant est terrifiante, elle peut faire peur à l’entourage des paranges;
  • par désintérêt : ils n’ont pas connu l’enfant qui n’a pas vécu, ou quelques jours seulement, ainsi, c’est comme s’il n’avait jamais existé ;
  • par incapacité à trouver les mots : affronter la souffrance d’autrui n’est pas chose aisée, tout le monde n’a pas la capacité d’accompagner le deuil.

Pourtant, cette maladresse est blessante pour les parents. Cela revient à nier l’existence du bébé. Or, les parents endeuillés ont besoin de trouver une oreille attentive, de s’extérioriser pour se sentir épaulés, ils ont besoin de faire vivre le souvenir de leur enfant, même si les instants partagés avec lui ont été brefs.

Parfois, cette difficulté à communiquer sur le sujet se retrouve au sein du couple où, le plus souvent, la mère souhaiterait évoquer son bébé plusieurs fois par jour, tandis que le père s’emmure dans le silence.

3/ MORT PÉRINATALE : QUAND LES PARENTS CULPABILISENT

Une difficulté mise en avant par de nombreuses autres femmes qui auraient du devenir mamans est la culpabilité. Peut-être que tu viens de perdre ton bébé et que tu es dans ce cas ? Tu te dis que tu aurais pu mieux faire, que tu aurais pu changer la donne ?

Les parents culpabilisent beaucoup après la perte de leurs tout-petits. Certains se sentent honteux et incapables.

Une mamange m’a confié que cette culpabilité l’avait rongée durant de longs mois, ce qui avait entravé le processus de deuil. « J’aurais dû protéger mon bébé » : cette pensée la hantait, même si son gynécologue lui expliquait qu’elle n’était en rien fautive.

Aucun parent ne devrait se sentir responsable de la mort néonatale de son enfant. Au contraire, les paranges sont des victimes. Des victimes qui doivent apprendre désormais à vivre avec ce poids.

Le couple peut être mis à mal lors de cette épreuve. Les deux parents peuvent avancer à un rythme différent dans leur deuil et peuvent ne pas avoir les mêmes besoins. Il est important que chacun continue de prendre soin de l’autre, de l’écouter et de ne pas le juger. 

4/ COMMENT SURVIVRE AU DÉCÈS DE SON ENFANT ?

Après la perte d’un enfant, il est normal d’être effondré.e, triste, abattu.e. Ce coup de massue va profondément affecter les parents concernés. Toutefois, il va falloir reprendre peu à peu goût à la vie, surtout si le couple a déjà des enfants qui requièrent soin et attention.

Il ne s’agit pas d’oublier le bébé ange. Comment cela serait-il possible ? Non. Il va falloir, comme dans tout deuil, vaincre peu à peu cette souffrance.

D’après l’expérience des parents que j’ai rencontrés, voici 7 pistes pour se remettre progressivement du chagrin causé par ce décès. Ces conseils leur ont été dispensés par les professionnels de santé présents à la maternité, psychologues, sage-femmes, puéricultrices ou gynécologues.

I- GARDER LES SOUVENIRS DE SON ENFANT

Les représentations irréelles de l’enfant mort trop tôt n’aident pas à oublier la peine et les souffrances. Il est plus facile de survivre au décès d’un enfant quand on a des souvenirs réels de ce dernier.

Évidemment, tous les parents ne se sentent pas capables de « rencontrer » leur bébé mort, c’est un choix très personnel. Cependant, dans la plupart des cas, ceux qui ont choisi de ne pas voir leur enfant sachant qu’il naîtrait sans vie, finissent par le regretter.

Donc, quand cela est possible, il ne faut pas hésiter à :

  • caresser ou toucher le bébé à la naissance,
  • récupérer son bracelet de naissance,
  • couper une mèche de cheveux,
  • prendre des photos ; si l’enfant est mort-né, il est possible de faire appel au photographe de l’hôpital quand il y en a un,
  • conserver toute trace tangible de son passage. Certaines maternités proposent même aux parents de garder les empreintes des pieds et des mains du bébé peintes sur un support.

Tous ces souvenirs pourront alors être consignés dans une boîte. Dans mon roman Au creux de nos bras, inspiré par des témoignages, Mia a perdu sa fille à la naissance. Quelques mois après le décès, elle met en place un rituel qui lui permet de se sentir plus proche de Romy. Quand elle est seule, elle allume des bougies, elle s’empare de la boîte à souvenirs, et un à un, elle explore les trésors qui s’y trouvent.

II - DONNER UNE IDENTITÉ À SON BÉBÉ

Inscrire l’enfant mort-né à l’état-civil peut se réaliser à partir de 15 semaines d’aménorrhée. Il existe de plusieurs cas de figures :

  • à combien de semaines d’aménorrhée est intervenu le décès ?
  • le bébé est-il mort in utéro ou est-il né vivant ?

En fonction de ces données, les dispositions seront différentes. Un tableau synthétise parfaitement les droits des parents ici.

III - ORGANISER LES OBSÈQUES DE SON BÉBÉ MORT-NÉ

Concernant l’enterrement, deux possibilités existent :

  • les familles choisissent d’organiser les funérailles. Même s’il est très éprouvant de préparer les obsèques de son enfant, cette étape est essentielle pour faire son deuil. De plus, enterrer le bébé dans le caveau familial permet d’avoir un lieu tangible où se recueillir par la suite ;
  • laisser le corps à la maternité qui prend en charge la crémation ou l’inhumation. Le bébé est enterré dans un lieu dédié. Les parents qui décident de revenir sur leur décision quelques mois plus tard ont la possibilité de récupérer le cercueil de leur enfant pour le transférer dans le caveau familial.

Les parents glissent souvent des objets symboliques dans le cercueil comme une peluche, un doudou quelconque, une photo.

obsèques

IV - PRENDRE LE TEMPS DE GUÉRIR DE SES BLESSURES

Un deuil périnatal laisse forcément des blessures. Pour surmonter la perte d’un enfant décédé après la naissance ou mort-né, il faut traverser le processus de deuil dans son entièreté.

Le travail de deuil périnatal comprend le deuil :

  • de la maternité, 
  • de la vie de famille fantasmée,
  • de la parentalité,
  • on peut aussi ajouter le deuil de conflits psychiques internes.

Il est important de ne mettre aucune pression inutile. On ne guérit pas en quelques semaines de la perte de son enfant. Dans une société où tout va de plus en plus vite, on a parfois du mal à accepter de ne pas cicatriser de ses blessures rapidement. Or, le décès d’un bébé s’apparente à un traumatisme. Il est normal d’avoir besoin de temps pour effectuer ces multiples deuils.

Se faire accompagner par un psychologue dans ce processus peut s’avérer utile.

V - NE PAS PRÉCIPITER UNE NOUVELLE GROSSESSE

Certains considèrent la perte d’un bébé comme un échec et ont une envie irrésistible de corriger le tir. Ou bien, ils envisagent qu’un autre enfant permettra de guérir plus vite, de combler le manque.

Cependant, l’arrivée de l’enfant d’après doit se préparer. Il ne s’agit pas d’une grossesse ni d’un accouchement comme les autres.

Le risque en se lançant trop vite dans une nouvelle maternité est de ne pas effectuer toutes les étapes du processus de deuil d’un enfant. Inquiétudes, angoisses, peur de l’insuccès, une maternité précoce dans ces cas peut s’accompagner d’ondes négatives.

D’après les témoignages que j’ai recueillis, il faut du temps pour se reconstruire et il faut du temps pour se sentir prête à nouveau. Les parents doivent être au clair avec le fait que l’enfant à venir est un être à part entière, différent du bébé perdu, qui ne le remplacera pas. Or, si les parents ne se sont pas suffisamment préparés, le risque d’amalgame est important.

Certains rejettent même cet enfant d’après, des mères sombrent dans la dépression du post-partum, car il n’est pas et ne sera jamais le bébé perdu. Ils ont alors besoin de plus de temps pour construire le lien avec ce nouvel être qui entre dans leur vie, car ils n’avaient pas suffisamment pansé leurs cicatrices.

VI - ADHÉRER À UN GROUPE DE PAROLE

Adhérer à un groupe de parole permet de partager sa peine avec des personnes ayant vécu la même situation que soi.  Qu’il s’agisse d’un café-rencontre ou d’échanges à distance, participer à un groupe de parole peut être très bénéfique.

Il permet de se confier sans aucune retenue, de s’extérioriser, de partager ses chagrins avec des mamanges qui comprennent le vécu des autres adhérentes.

Il existe aussi des groupes Facebook qui offrent la possibilité de se retrouver entre mères / parents endeuillés pour parler sans tabou, sans censure.

VII - RETROUVER LE GOÛT DE VIVRE

Après la perte subite d’un tout petit, après des jours de tristesse, de désarroi, il est possible de reprendre sa vie en main et d’envisager un nouveau départ, sans se sentir coupable.

Oui, on peut sourire à nouveau après la perte d’un bébé.

Oui, on peut penser positivement.

Oui, on peut avoir envie de sortir avec ses amis, d’aller au restaurant.

Oui, on peut désirer un autre enfant.

Et tout cela sans trahir l’enfant perdu. Dans la phase d’acceptation du deuil, il ne faut pas hésiter à s’offrir des moments qui font du bien, sans se soucier du regard des autres.

Je me souviens d’une maman qui m’a dit : « C’est terrible, si je pleure, on me reproche de ne pas passer à autre chose. Si je ris, on me dit que j’ai oublié bien vite mon bébé. Mais je n’ai rien oublié. Simplement, avec le temps, je souffre de moins en moins et j’aspire à reprendre certaines activités. »

Quand la douleur devient moins féroce, il est important de savoir se faire plaisir, pour avancer, ne pas s’enliser dans les ténèbres de la dépression.

Les parents sont clairs sur ce point : ils porteront ce deuil toute leur vie. Comme le dit Mia dans Au creux de nos bras tandis qu’elle remonte peu à peu la pente : “Je n’apprends pas à vivre avec l’absence de Romy, j’apprends à vivre sans sa présence.” Il faut réorganiser sa vie en fonction de cette évènement et non cesser de vivre. Avec du temps, cela est possible.

➡️ Découvre notre article sur le bonheur : comment le définir, le trouver, l’entretenir.

5/ DEUIL PÉRINATAL : QUE PEUT FAIRE L'ENTOURAGE POUR AIDER LES PARENTS ENDEUILLÉS ?

Les amis et les proches peuvent être d’une grande utilité pour les parents endeuillées. Ceux-là l’ignorent souvent ou alors s’y prennent mal quand ils décident de venir en aide aux paranges.

Par exemple, l’entourage peut être tenté de les bousculer, les inciter à aller de l’avant, à se lancer dans une nouvelle grossesse rapidement. Or, le processus de deuil est long. Il est nécessaire de laisser le temps aux parents orphelins de faire convenablement leur deuil.

La patience est de mise. Les jugements doivent être bannis. La bienveillance est la meilleure alliée. Voici quelques gestes simples qui peuvent apporter du soutien à une famille endeuillée.

SE RENDRE DISPONIBLE POUR PARENTS

Sous le poids de l’affliction, abattus ou parfois déprimés, les parents peuvent avoir besoin qu’on leur rende de petits services. Il est possible d’aider les paranges en ce qui concerne :

  • l’organisation des funérailles,
  • entretenir la maison ou à faire des travaux ménagers,
  • les courses et/ou la préparation des repas,
  • la garde des aînés.

Tout cela sans être envahissant bien sûr et avec leur accord. Ce soutien est parfois salutaire pour certaines familles qui, écrasées sous le poids de la douleur, ont du mal à faire face au quotidien durant les semaines qui suivent le décès de leur bébé.

TÉMOIGNER SON EMPATHIE

Pour aider le parent endeuillé il est possible de lui :

  • envoyer de petits messages. Lui faire savoir combien on pense à lui, oser lui demander « Comment tu te sens ?» sans craindre la réponse, des gestes simples effectués banalement dans le quotidien, qui revêtent une dimension différente dans ce type de situation,
  • écouter les parents, sans les juger, sans les noyer sous un flot de conseils inutiles,
  • offrir des fleurs accompagnées d’une pensée symbolique,
  • offrir un cadeau pour le bébé mort-né avant ses obsèques afin qu’il puisse être glissé dans le cercueil.

Ce sont autant d’actes qui permettent au parent endeuillé de se sentir accompagné.

ET POURQUOI PAS UN SOUTIEN FINANCIER ?

Certaines familles peuvent aussi avoir besoin de soutiens financiers. Elles ne le demanderont certainement pas, mais il est peut-être possible d’anticiper les choses selon le degré d’intimité entretenu avec les personnes concernées. Cela peut-être une participation pour :

  • payer une partie des frais de funérailles,
  • offrir une place de concert ou un week-end lorsque les parents se sentent prêts à changer d’air,
  • payer un soutien à domicile pour accompagner les aînés dans leurs devoirs.

La perte d’un enfant est un traumatisme qu’il est difficile de surmonter, plus encore lorsqu’il s’agit d’un bébé mort in utéro ou rapidement après la naissance, car il y a une forme de tabou autour de ce drame.

Pourtant, soutenir les parents endeuillés en parlant de leur bébé, en écoutant leur douleur est un geste souvent apprécié.

Par ailleurs, plusieurs conseils sont donnés par les professionnels de santé pour aider les paranges à affronter cette situation, afin de guérir peu à peu de cette blessure. Le temps est le meilleur allié, il ne faut pas le négliger.

Le parcours de Mia et Thomas, dont la petite fille naît sans vie, a été inspiré par des témoignages de mamanges. L’expérience de parents endeuillés peut être essentielle dans la reconstruction de sa vie après un tel traumatisme.

roman au creux de nos bras
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